Ébauche à une stratégie révolutionnaire
Lev Gurwitsch
I. Premier constat
La révolution n’adviendra pas. Si elle s’est réduite à l’état de rêveries dans l’esprit moribond de la révolutionnaire romantique, elle a quitté le champ des possibles pour celles trop lucides pour croire que le changement pourrait se réaliser. Nos actions donnent l’impression que nous avons capitulé, que le capitalisme libéral est effectivement sans alternative et que nous sommes condamné·e·s à des luttes locales, des défenses ponctuelles de causes ou de territoires précis. Je ne dis pas là qu’il ne doit pas y avoir de telles luttes de résistance, qui sont la démonstration qu’il y aura toujours des groupes qui se constitueront contre ces États qui s’enfoncent toujours plus dans leurs contradictions destructrices. Ce que je dis, c’est que dans ces luttes négatives – qui s’opposent à – il est impossible de percevoir un projet positif viable et intelligible. C’eut été la valeur des organisations révolutionnaires que de faire apparaitre de telles possibilités émancipatrices, de pouvoir faire voir un ailleurs qui n’existe pas encore. Il semble pourtant qu’aujourd’hui, il n’existe pas (ou marginalement) de telles possibilités dans les discours.
Il y a, d’un côté, ces vieux discours anarchistes ou communistes qui répètent les mêmes analyses séculaires comme des automates ; comme si ces analyses étaient des vérités pétrifiées (le parti, la grève, les antagonismes de classes, etc). C’est bien ce qui caractérise la portée proprement révolutionnaire des socialismes non utopiques, ceux de la Première Internationale, que d’avoir remarqué que les changements sociaux étaient fonction d’un monde en évolution. L’état du monde à un moment donné Seulement, ces constats ne peuvent être pris pour argent comptant et se doivent d’être constamment réévalués sous peine d’être condamnés à devenir des vieilleries politiques. Nous devons tout de même comprendre que la mise en question des préceptes qui fondent la pensée socialiste (analyse de classe, abolition de l’État, dénonciation des structures d’autorité) soit reçue avec suspicion par les tenantes de ces vieux discours, car nous devons prendre acte de l’habilité avec laquelle ces idées ont été cooptées (pour être mises hors d’état de nuire) par la pensée libérale. Pourtant, ces discours révolutionnaires, qui ne sont plus que des mythes folkloriques, sont inaudibles à quiconque . Voilà une première énigme stratégique de notre temps. Je dois préciser que je prends tout de même en horreur les attitudes qui consistent à vouloir déguiser nos idées, ou, comme celles des publicitaires, à vouloir les abêtir et les transformer en plat à réchauffer, en prêt-à-porter. La pensée révolutionnaire est exigeante si elle ne veut pas être vaine. Elle doit dépasser les contraintes unidimensionnelles d’une conscience limitée dans les discours aux propositions analytiques de type A=A, c’est-à-dire à celles qui ne laissent rien percevoir dans l’avenir en réifiant le présent.
De l’autre côté des discours, il y a ces replis eschatologiques qui romantisent la lutte pour la lutte. J’essaye de pointer ici ce que nous pourrions appeler la « pensée zadiste », à défaut d’un meilleur nom. Il s’agit de celles qui construisent des communautés alternatives (de l’écovillage à l’obscure commune rurale, avec permaculture et gourou implicite inclus), celles qui vont de ZAD en ZAD, espérant ainsi extraire du territoire à l’obsession autophagique des États capitalistes. Seulement, ces territoires, lorsque par miracle ils réussissent à être effectivement défendus, finiront inévitablement par constituer le lieu du lifestyle bourgeois. En effet, à qui servent ces communautés? D’aucuns diront qu’il existe tel village zapatiste, telle collectivité de sans-terre brésiliens, mais je parle bien ici des résistances du monde occidental (et je me garderai de critiques à l’emporte-pièce des mouvements de résistance aux impérialismes coloniaux). Or, ces collectivités alternatives s’intègrent avec perfection dans l’écosystème capitaliste et ne sont que des appareils à démobiliser des camarades. Il s’agit de fausses alternatives qui abolissent toute possibilité révolutionnaire, tout espoir d’un monde qui tarderait à émerger. Je répète ici qu’il n’est pas en soi vain de mettre en place des zones de luttes contre l’État. C’est peut-être même nécessaire. Seulement, ces luttes ne se suffisent pas et ne sont pas à elles seules la lueur qui projetterait faiblement la silhouette d’un monde possible.
J’ai appelé plus tôt ces discours des replis eschatologiques. Je veux dire par là qu’ils sont teintés des angoisses existentielles de notre temps. En effet, si les contradictions pointées autrefois par Marx et d’autres visaient surtout le monde social humain, les prédictions climatiques et environnementales d’aujourd’hui nous montrent que ces mêmes contradictions (croissance infinie, régime de propriété privée, économie abstraite financiarisée, … la liste est, elle aussi, infinie) pointent les limites physiques – et donc d’autant plus matérielles – de nos modes de production et d’organisation. En somme, pour l’eschatologue, contre la fin du monde, rien ne peut être fait. Devant ces constats, on dira qu’il faut se préparer à se replier en communauté rurale, qu’il s’agit d’extraire du territoire, de construire les alternatives en parallèle à l’État – c’est ce que j’appelle la « pensée zadiste ». Mais réfléchissons ensemble à où mènent ces fausses alternatives (j’assume ici, à des fins rhétoriques et faute de place, la pétition de principe). Imaginons que partout où les territoires sont attaqués, ils sont défendus. Imaginons que des microsociétés, semi-autonomes, si ce n’est autarciques, apparaissent. Qui extraira ces territoires? Faudra-t-il les acheter? Ce faisant, qui paye? Qui pourra accéder, entrer dans ces communautés? En quoi ne seront-elles pas simplement composées d’enfants de classes dites « moyennes »? Comment les membres de ces communautés feront-elles pour se soigner? Un esprit rigoureux constatera bien qu’il ne s’agit pas d’une option fiable. Notre monde ne peut être une agrégation de communautés isolées (même si, quand on lit la théorie correspondante, ces communautés seraient interreliées dans des procédures fédéralistes floues) sans devenir mercantilistes. Il ne suffit pas de croire à la bonne foi d’individus pour que ces individus n’aient plus besoin d’hôpitaux ou de centres de traitement d’eau. De plus, la recherche d’homogénéité dans cet idéal de communauté cache le risque non négligeable de reproduction de schèmes d’autorité et d’exclusion sociale. J’arrêterai ici la logorrhée sur l’impasse de ces options, elle participe à une discussion qui dépasse les enjeux du présent texte.
Une autre version de ce discours zadiste, plus politique, se trouve à une étrange jonction. Il s’agit de la grande famille des naïvetés de celles qui pensent qu’il suffit de romantiser et de suivre les mouvements sociaux et de les transformer en mouvements insurrectionnels pour faire aboutir un programme révolutionnaire. Au-delà des idioties poétiques qui les traversent théoriquement, le même type de critiques s’applique à ces cadres révolutionnaires. Elles sont, par définition, fermées sur elles-mêmes et ne permettent pas – de l’intérieur comme de l’extérieur – d’entrevoir le possible du monde qui n’émerge pas. Elles sont aussi des replis eschatologiques, des aveux d’échec. Ma principale critique est que, si elles s’opposent dans la forme aux mouvements réformistes honnis, elles ne s’y opposent pas sur le fond. En fait, ce cadre stratégique s’inscrit pleinement dans le paradigme de la désobéissance civile, drapé de l’esthétique des gauchistes – car il ne faudrait surtout pas avoir l’air de sociaux-démocrates. On me demandera alors de donner les critères qui distinguent l’action révolutionnaire de la désobéissance civile. La désobéissance civile est un acte de rupture volontaire avec la loi qui cherche à pointer les insuffisances d’un système démocratique constitutionnel. Quand des écologistes s’attachent à une grue, c’est une action de désobéissance civile. Mais l’occupation d’une forêt l’est aussi. En somme, ce type d’action cherche à corriger ledit système, il demande quelque chose de la part de ses dirigeants et participe donc indirectement à son amélioration. Car en négociant avec les divers intérêts de la société civile, l’État comme superstructure se renforce, ou bien par la mise en déroute de tels mouvements, ou bien en intégrant partiellement les revendications dans son logiciel. Je ne défendrai cependant pas ici une position accélérationniste et je dois donc préciser qu’il me semble tout de même nécessaire de poursuivre ce type de combat. Seulement, c’est quand les limites inhérentes aux discours et aux actions qui accompagnent ces mouvements ne sont pas perçues qu’ils en viennent à acter l’indépassabilité de l’État. La désobéissance civile s’inscrit en fait dans une axiomatique qui fait de l’État un fondement nécessaire à la société. C’est-à-dire que tout mouvement ne s’adresse pas directement au peuple mais est médié par l’appareil étatique, par une demande à son encontre. L’action révolutionnaire, quant à elle, cherche activement et délibérément à fragiliser ou abolir l’État capitaliste. Au minimum, elle tend à s’attaquer aux principes premiers de ces États, c’est-à-dire ceux qui justifient leur existence. Il va sans dire que certaines actions soutenues par ce logiciel que je cherche à cibler (appelismes, insurectionnalismes ou autres mouvementismes) se trouvent des deux côtés de ma frontière conceptuelle entre désobéissance civile et action révolutionnaire (en tant que cette frontière reste instrumentale et donc poreuse par endroit). Mais cette confusion dans les objectifs suivis révèle les insuffisances théoriques qui les habitent en termes de stratégie révolutionnaire. Une dernière critique doit encore être soulevée : dans les faits, l’action militante qui résulte de ces habitus politiques répond souvent à une forme de ritualisation. Il semblerait que les enfants malades du situationnisme oublient de Debord que la perpétuation du spectacle doit être un horizon dépassable et non une totalité anthropologique. Du point de vue du statu quo, de l’inertie de la démocratie libérale, l’action révolutionnaire doit être inconcevable, irrecevable et inacceptable. C’est une nécessité logique, car la révolution est par définition tournée vers un devenir qui ne s’est pas encore actualisé. L’action comme rituel tue son caractère transgressif en l’inscrivant dans la banalité.
Si la révolution n’adviendra pas, c’est bien parce que les conditions ne sont pas réunies, que le socle minimum de telles conditions ne peut laisser présager d’un possible révolutionnaire. On me rétorquera qu’on a vu dans les dix dernières années bon nombre de mouvements d’agitation sociale en Occident qui faisaient percevoir des possibles révolutionnaires en puissance (indignados, gilets jaunes, Occupy Wall Street, …). Je répondrai deux choses : premièrement, je parle bien ici d’une révolution proprement anticapitaliste, et non d’un renversement suranné de tel ou tel gouvernement, de telle ou telle modalité de la démocratie libérale. Je parle du dépassement du monde qui nous est montré comme indépassable – soit celui qui se trouve au-delà des contradictions. Deuxièmement, en plus des contingences de l’histoire, si ces mouvements n’ont pas abouti aux changements structurels profonds qu’ils semblaient viser, c’est bien en raison de leur insuffisante compréhension théorique des mouvements de transformation. Les mouvements ne pouvaient pas aboutir à de tels changements, non pas seulement parce qu’ils échouent à battre dans la rue mais bien parce que leurs extensions, ce vers quoi ils tendent, ce n’est pas, bien malgré eux, les transformations nécessaires de l’appareil de production ni la redéfinition de l’organisation démocratique. Pour un tel mouvement révolutionnaire, reste donc à en édifier ses conditions de possibilités, ainsi que ce qui empêche sa réalisation.
II. Deuxième constat
La révolution est nécessaire. Si elle n’advient pas, elle semble pourtant nécessaire et indispensable face aux urgences auxquelles nous sommes confrontées. Mais celle-ci doit bien être socialiste. Il semble en effet qu’une grande partie des luttes actuelles se trouvent bloquées dans une spirale de mouvements proto-révolutionnaires bourgeois. J’utilise ici le terme de proto-révolution bourgeoise, non pas comme un anathème injurieux, mais comme un terme technique qui tend à pointer la particularité des formes simili-révolutionnaires qui se fondent sur une réarticulation du régime de propriétés ou de reconnaissance – il s’agissait autrefois d’étendre les privilèges de la noblesse, quand aujourd’hui il s’agit de vouloir cibler l’hyper-richesse du 1% – et non son abolition. Mais il s’agit aussi de types de luttes qui conçoivent les enjeux particuliers (identitaires ou propres à des enjeux singuliers) en s’abstenant de les faire apparaitre en tant qu’ils composent les formes contradictoires de la structure qui crée les formes de domination, et ce, que cette structure soit patriarcale, colonialo-impérialiste ou capitaliste (schèmes de domination qui prennent des formes interchangeables dans leurs portées d’universel et de totalité). Quand, en effet, ces luttes singulières œuvrent pour l’obtention de tel droit, telle reconnaissance ou, plus souvent, à la résistance à tel projet de loi, tel projet de société (nos pensées dérivent bien entendu vers l’hydre du programme transphobe qui nous traverse actuellement internationalement), elles ne font pourtant qu’acter, qu’en dernière instance, ce sont les forces de la domination – l’État comme phénotype étendu – qui cèdent ou non aux requêtes de ces franges particulières du peuple, fonction en dernier lieu d’enjeux électoraux et d’image publique. Si le potentiel révolutionnaire de ce type de lutte n’apparait pas, c’est bien parce qu’il ne tend que vers une mélioration des conditions mais fait abstraction du système de production de ces conditions, le naturalisant par le fait même. Cette tendance forme la contradiction qui sous-tend en fait la finalité réformiste de tout mouvement insuffisamment révolutionnaire. On disait déjà en 1862 à propos d’ouvriers qui réduisaient leurs luttes à des meilleures conditions de travail et de salaire qu’ils « ne doivent pas oublier qu’ils luttent contre les effets et non les causes de ces effets, qu’ils ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu’ils n’appliquent que des palliatifs mais sans guérir le mal » (K. Marx, Salaires, prix et profits, p. 73). Face à la nécessité de changements substantiels, les formes réformistes de lutte (même masquées d’esthétique révolutionnaire) n’entrainent que des changements de degrés et non de nature. Or, les problèmes auxquels nous faisons actuellement face ne sont pas simplement l’objet de variables d’ajustement mais bien de problèmes structuraux. À la révolution, il ne semble ainsi pas y avoir d’alternative viable capable d’entrainer ce type de changement. CQFD.
Le fait que l’immense croissance de la production du siècle dernier entraine autant de pauvreté et d’exploitation n’est pas le résultat d’erreurs ponctuelles de parcours. L’affirmation peut sembler triviale, mais elle se doit d’être répétée : le monde capitaliste se fonde sur l’exploitation de celles qui produisent et nécessite l’inféodation des travailleuses, des femmes, des populations racisées et la mise au banc des folles, des handicapées, des enfants. Tout mouvement proprement révolutionnaire qui cherche à battre le capitalisme prend acte du caractère nécessaire de l’exploitation ; que nous pourrions étendre, comme le fait l’analyse d’Iris M. Young, qui identifie l’exploitation, la marginalisation, l’impuissance, la domination culturelle et la violence comme cinq faces de l’oppression – caractérisation phénoménale juste mais qui rate d’identifier l’extension de l’oppression, c’est-à-dire ce en vue de quoi elle existe. Nous ne devons en effet jamais oublier qu’en substance, le capitalisme colonial, c’est aussi l’absurdité d’une armée qui se bat pour agrandir un terrain de golf pour la municipalité d’Oka, pour défendre les droits de communautés dominantes à lapider celles qui ne font que défendre leur territoire. C’est dans le caractère absurde de ces contradictions que doit toujours se révéler la nécessité absolue de la révolution. Car il n’y a pas de négociation possible avec des puissances qui ne peuvent pas réaliser l’immense dissonance cognitive dont elles font preuve pour ne pas voir la cruelle ironie qui consiste à tirer sur des personnes pour un terrain de golf. Il ne peut y avoir de justice dans un système de droit fondé sur la protection de la propriété de ceux qui l’ont volé.
III. Vers une stratégie révolutionnaire
Le moment révolutionnaire commence donc avec l’irruption du réel dans l’espace public. C’est quand se forme la réalisation que les mêmes travailleuses qui ont fait survivre la machine productive pendant plus de deux ans pendant la pandémie de Covid – alors que les donneurs d’ordre et les propriétaires étaient confinés – sont celles qui ont eu à subir la montée des prix qui a suivie, afin d’engraisser les actionnaires et les propriétaires fonciers. C’est à ces endroits que bifurquent les tendances à traiter les effets plutôt que les causes. Et celles qui œuvrent par la voie de la réforme ne peuvent effectivement que limiter la tendance naturelle vers la dégradation pour finalement assurer la reproduction de l’ordre social. C’est lorsque ce qui fait évènement advient qu’il y a choix révolutionnaire. Seulement, lorsque commencent à poindre les volontés révolutionnaires d’individus ou de groupes informes parmi les masses qui se lèvent, aucune structure ne semble les appuyer. Au contraire, les organisations de gauche constituées ont tendance à se constituer en chien de garde. Il s’agit alors donc de se constituer comme des forces soutenant l’action réelle à chaque fois que les contradictions se rouvrent dans l’espace public.
S’impose alors de trouver les moyens pour dépasser les contradictions entre une révolution qui n’adviendra pas mais qui est soit nécessaire, contre un régime dont l’hégémonie semble dicter le faisceau des possibilités, le premier obstacle étant discursif. Nous nous devons d’opposer les discours contre-offensifs au travers d’autres modalités que celles des canaux préétablis ou des moyens insuffisants ou inefficaces dont nous disposons. En effet, il semble évident que les dispositifs au sein desquels nos discours pourraient s’établir sont déjà grippés d’une préférence pour l’inertie, d’un biais non accidentel pour le statuquo. Pour pouvoir construire le contre-narratif, celui qui tente de découvrir le réel, et ne pas l’abandonner à la contingence de l’apparition soudaine de brillants coups d’éclat, il s’agit alors de pouvoir stratégiquement les créer. La lutte pour les droits civiques aux États-Unis a su nous couvrir d’exemples de tels dispositifs prémédités et ardûment préparés. Il ne s’agit pas ici de défendre la tactique de la non-violence – laquelle doit être teintée de l’argument de Kwame Ture, pour qui une telle tactique repose sur le présupposé erroné que les forces dominantes combattues pouvaient être émues par la mise en scène de leur souffrance – mais bien d’une pensée tournée vers des gains stratégiques, afin d’ouvrir la porte au possible révolutionnaire. Car avoir raison seules, c’est avoir tort : nous nous devons donc de trouver les moyens d’articuler le discours pour révéler les brèches béantes dans celui qui est hégémonique.
Ainsi, stratégiquement, la seule question qui importe, c’est comment gagner?. Pour créer les conditions discursives nécessaires, il s’agit alors d’être une force politique non triviale. Contre l’atomisation des forces et actions militantes, la seule manière de faire front semble alors de se constituer en organisations proprement révolutionnaires. Ces organisations doivent alors remplir trois fonctions nécessaires qui ne paraissent pas émerger spontanément dans les divers phénomènes de luttes que j’ai commentés précédemment. En premier lieu, elles doivent se saisir de la spontanéité des masses, en devenir le fer de lance, et chercher à en parfaire l’extension révolutionnaire. C’est donc un rôle d’amplification qui leur revient. En deuxième lieu, elles doivent construire, dans la mesure du faisable, l’ici et maintenant, dans des structures de solidarité. Ces projets positifs servent à arrimer la lutte essentiellement négative aux devenirs vers lesquels le processus révolutionnaire doit tendre. Enfin, elles doivent construire le discours et l’analyse révolutionnaire en constant renouvellement, afin que ceux-ci ne soient pas un ressassement de constats figés du passé. Cette forme de production de discours doit aller de pair avec la formation constante au sein de ces organisations révolutionnaires. Voici les pistes que je me propose de réexplorer à l’avenir.