Pourquoi première ligne?

Comité de rédaction

Première ligne se veut force de proposition théorique, tactique et stratégique au sein du milieu révolutionnaire. Nous n’avons aucun goût pour les guerres de clochers et d’ego, nos priorités sont le renforcement du milieu et la défense de nos idées. Nous estimons que la situation à Montréal est propice au développement d’un mouvement révolutionnaire organisé et puissant. Nous bénéficions en effet de ressources potentielles, d’une certaine tradition militante et d’un large bassin de recrutement. Nous considérons donc que les raisons de nos faiblesses actuelles sont à trouver dans notre milieu et non dans la conjoncture. Nous voulons analyser plus précisément les raisons de ces faiblesses et nous essaierons de faire des propositions pour avancer. Nous n’avons aucune envie de repousser la nécessité de la révolution aux calendes grecques. Nous vivons cette nécessité comme une urgence matérielle.

Première ligne, la revue

Nos lignes sont d’abord à trouver sur le papier. Face au manque de formation, voire au rejet de tout effort intellectuel, nous revendiquons l’importance du travail théorique. Nous considérons la formation continue des militant·e·s comme une double responsabilité. Responsabilité individuelle d’abord, puisqu’un·e révolutionnaire devrait être exigeant·e avec soi-même avant de l’être avec les autres. Nous devrions toujours chercher à améliorer notre compréhension du monde, des enjeux passés et de ceux auxquels nous faisons face. Responsabilité collective ensuite, car c’est aux camarades ayant le plus de savoir de quitter leur tour d’ivoire intellectuelle et de faire l’effort d’aider les nôtres dans leurs études et leurs réflexions. Notre revue entend donc participer à cet effort.

Nos lignes sont ensuite celles des manifestations et des piquetages. La théorie révolutionnaire n’étant rien sans validation par la pratique politique. De ce côté, les militant·e·s de Première ligne sont déjà impliqué·e·s dans les luttes depuis de nombreuses années. Nous cherchons donc à partager nos expériences et fournissons notre aide aux combats qui nous rapprochent de nos objectifs. Nous faisons le choix de faire de la lutte révolutionnaire le cœur de notre vie et notre priorité. Nous revendiquons et nous nous efforçons à une discipline collective qui passe par l’encouragement et une saine émulation entre nous.

Dévouement

Les niveaux d’engagement dans le milieu révolutionnaire varient largement d’une personne à une autre. Or, nous identifions ceci comme une importante source de tensions non dites. Les camarades n’ayant pas les capacités ou le temps de s’impliquer peuvent se sentir mis·es à l’écart par celleux qui peuvent en faire plus. De l’autre côté, les personnes qui dévouent leurs énergies à la lutte peuvent avoir l’impression de faire énormément de travail, y compris des tâches qu’elles font par dépit, et de voir leurs efforts ralentis par des façons de travailler infructueuses et démobilisantes. Dans un cas comme dans l’autre, ceci provoque du ressentiment et de l’incompréhension, ce qui est nocif pour
tout le monde.

Nous faisons donc le choix de nous organiser avec les personnes qui ont la même conception de l’engagement et les mêmes lignes politiques. Ceci nous permettra de ne pas brusquer nos autres camarades et de développer notre travail de façon autonome. Nous pensons que cette façon de faire sera bénéfique pour tou·te·s. Nous prônons le respect et une saine répartition des responsabilités entre les camarades ; nous pensons qu’une culture politique commune, une réflexion sur l’utilité et la pertinence de certaines tâches et un sentiment de solidarité et de confiance envers nos camarades sont les meilleurs moyens pour éviter de nous brûler​​​​​​​.

Ceci n’enlève rien à notre solidarité avec les autres sections du mouvement auquel nous participons. Nous pensons que cette façon de faire va décupler nos énergies et nous aidera à renforcer le milieu révolutionnaire de façon générale.

Discipline

Étant donné notre accord collectif sur ce point, nous sommes en droit d’exiger de nos camarades un haut niveau d’engagement. Arriver à l’heure, prendre des tâches et les réaliser, se plier aux décisions collectives et tenir sa ligne lors de moments tendus sont des prérequis pour celleux qui veulent s’organiser avec nous. Trop souvent notre milieu traite ces nécessités avec légèreté. Or, ces éléments de base deviennent critiques pour toute situation de lutte sérieuse, en action ou en manifestation. Le manque de discipline peut très aisément mettre en danger d’autres camarades. Il s’agit aussi d’accepter un niveau de risque supérieur et de s’assurer que la personne à nos côtés est prête à nous soutenir. La discipline n’est pas synonyme d’autoritarisme, il s’agit d’attitudes librement consenties entre nous, justifiées par des discussions et des ententes préalables.

Camaraderie

La solidarité entre nous est primordiale dans les différents aspects de nos vies. Nous n’établissons pas de frontière claire entre le militantisme et nos autres activités. Protéger et soutenir les nôtres est une nécessité collective et individuelle. Le haut niveau d’attente nécessite de penser aux façons de maintenir les camarades dans le militantisme intense qui s’impose. Nous ne calculons cependant pas l’engagement de chacun en nombre d’heures données au groupe, nous savons d’expérience qu’une heure de temps n’a pas la même valeur pour tout le monde.

L’engagement n’est pas quelque chose qui se chiffre ou qui se limite, c’est une attitude, une volonté et une façon de penser la politique, qui se modulent selon les aléas des vies possibles sous le capitalisme. Le travail révolutionnaire collectif peut permettre de développer des façons immédiates de changer nos vies, de nous entraider et de rompre avec une vision libérale des limites individuelles pour en faire un problème collectif.

Néanmoins, une triste réalité demeure : l’histoire a montré que les classes dirigeantes nous imposent leurs exigences, leurs agendas et leur répression. De l’autre côté, des personnes issues de tous les milieux et de toutes les situations nous ont donné en héritage la démonstration de leur capacité de lutter, y compris – et surtout – dans les pires circonstances. Il ne s’agit pas d’être alarmiste, mais bien lucide : nous ne pouvons accepter de rester dans la passivité et l’attentisme face à un système qui nous est invivable. Ce constat appelle l’action et l’organisation politique immédiates – et c’est en cela que nous souhaitons dès aujourd’hui former une première ligne.