Mon premier black bloc

Berneri

Pratique et histoire des autonomes allemands

La tactique du Black Bloc a connu de nombreuses évolutions depuis son apparition en Allemagne au cours des années 1980. À l’époque, le mouvement autonome1 s’empare de cette tactique pour se défendre contre la police et pour se protéger de la répression lors des manifestations. Casques de moto, vestes de cuir, gants, barres de fer et lance-pierres étaient alors plus communs que le noir uniforme des imperméables d’aujourd’hui. Le Bloc est alors une masse solide, mais sa force principale repose sur sa capacité de confrontation groupée autant que sur l’anonymat relatif de ses participant·e·s.

La féroce répression policière et judiciaire est directement à l’origine du Black Bloc qui apparaît comme une nouveauté tactique devant ce problème spécifique. La criminalisation du mouvement, l’intense répression et le reflux de la vague révolutionnaire depuis les années 1970 font qu’il est plus difficile aujourd’hui de sortir casques et barres de fer. Pour s’adapter à cette situation, le mouvement autonome allemand a raffiné ses tactiques de rue en y implémentant des bannières et en améliorant l’anonymat des personnes au sein du Bloc. Aujourd’hui encore, la police allemande conserve cette habitude de maintenir la pression sur les manifestant·e·s. Les forces antiémeutes enserrent généralement la manif, se tenant à distance d’un bras des premières lignes de camarades. Il est alors très difficile de se sentir en sécurité et de mener des actions tant sont grandes la surveillance et la rapidité de réaction des policiers.

Pour empêcher que la police puisse arrêter facilement des militant·e·s ou disperser la manifestation, les autonomes allemand·e·s ont commencé à couvrir l’entièreté des cortèges par de longues séries de bannières. L’objectif derrière cette tactique est de ne laisser aucun point d’entrée possible pour les forces de l’ordre dans le Bloc. Les bannières de côtés sont ainsi souvent fixées sur de longues cordes qui encadrent le cortège et en assurent la cohésion. Il faut aussi ajouter à cela que les groupes de camarades se placent en lignes compactes à l’intérieur du Bloc et se tiennent solidement les un·e·s aux autres. Ceci permet de mieux résister aux charges policières, la police allemande comptant en effet beaucoup sur l’effet psychologique d’un choc intense, très brutal et impressionnant pour briser toute résistance.

En ce qui a trait aux tactiques d’habillement favorisant l’anonymat, les tenues des camarades plus disparates – les cagoules et les masques de qualités variées ainsi que les traits distinctifs peu camouflés – ont dû être révisés avec le renforcement de la surveillance, notamment l’utilisation de la vidéo par la police. Aujourd’hui l’attention portée à l’habillement est devenue majeure. Les camarades ne se contentent plus simplement de tenues noires ; les habits sont souvent exactement les mêmes d’une personne à l’autre, surtout au sein d’un même groupe politique. Les vestes imperméables et autres coupe-vent sont notamment très utilisés pour leur légèreté, leur facilité de dissimulation et leur capacité à couvrir d’autres vêtements. Il faut ajouter à cela que sous ce noir, les camarades portent généralement des couleurs bigarrées ou des habits d’une très grande normalité. Ceci permet de compliquer drastiquement l’identification et les arrestations post-manifs. Certain·e·s vont même jusqu’à changer de chaussures. Ceci est notamment rendu possible par la grande solidarité du Bloc et la forte discipline collective. Il n’est ainsi pas rare que le Bloc se forme et se disperse collectivement ; les banderoles se lèvent, les parapluies sortent, les camarades se changent et vice-versa. Sans cette solidarité et cette discipline collective, les blocs allemands n’auraient certainement pas le même impact. Le Black Bloc est avant tout une pratique collective, avant d’être un enjeu de pratiques et d’habillement individuel.

Émulations et tentatives de reproductions tactiques

Sous bien des aspects, la tactique du Black Bloc n’a pas pris la même forme dans d’autres pays. Si on considère que le rôle du Bloc est de protéger les participant·e·s collectivement contre la répression, il est très rare d’en voir un en dehors d’Allemagne. Les cortèges de tête français avec leurs bannières renforcées sont ce qui s’en rapproche le plus. Cependant, le manque de cohésion du cortège, les formes d’organisations policières et la très forte détermination nécessaire pour aller au contact des flics en petit groupe font que ces tentatives ont souvent été des échecs. La police arrive généralement assez bien à contourner, à isoler la banderole des autres, ou à disperser ces groupes réduits par la violence du choc. Ces banderoles sont généralement plus utiles pour nous protéger des projectiles policiers, ce qui est déjà une bonne chose.

Ailleurs dans le monde, notamment en Grèce ou en Italie, mais aussi en Amérique du Nord, le « Bloc » se réduit essentiellement à la question de l’anonymisation. Le Bloc est en réalité surtout une masse de gens en noir – une collection d’individu·e·s ou de groupes de tailles variables – souhaitant mener des actions ou aider à ce que des camarades en mènent. On est loin du Black Bloc comme forme d’autodéfense collective. Ceci ne signifie pas que ces formes d’organisation ne soient pas valables tactiquement, mais parler de Black bloc relève d’un abus de langage provenant des médias, plus que d’une réalité. Nous utiliserons malgré tout ce mot dans le reste du texte à des fins de simplicité étant donné que tout le monde l’utilise. Quand nous parlerons de Black Bloc par la suite, nous entendrons par là une simple manifestation combative où les gens s’habillent en noir pour se protéger. Le contexte explique évidemment largement que la forme allemande ne se soit pas généralisée ; cependant, nous aurions beaucoup à apprendre de leurs pratiques et certaines tactiques sont clairement reproductibles ou utiles dans notre contexte montréalais.

Conseils pratiques

L’objectif de ce texte est de présenter le contexte et l’histoire de la tactique du Bloc, et donner des conseils aux nouvelles et nouveaux camarades, qui sont actuellement obligé·e·s de se former seul·e·s à force de participer aux manifestations.

Commençons par souligner que participer à un Black Bloc n’est en rien un gage de radicalité, ni un passage obligé. Cette conception étrange pousse certaines personnes à tenter d’en former dans les moments les plus incongrus, même quand nous n’avons pas les forces, ou que la situation ne le réclame pas. Ceci a clairement des effets contre-productifs en attirant inutilement l’attention de la police sur nous. Qui plus est, cela nous sépare des autres manifestant·e·s à des moments où nous devrions aller vers elleux pour diffuser nos idées.

Nous souhaitons aussi insister sur le fait que les gens qui ne se sentent pas capables de rester lorsque la confrontation commence devraient s’abstenir de participer. Le Black Bloc ne devrait pas être un jeu de rôle. Compter sur un nombre de personnes qui ont l’apparence d’être dans le Black Bloc mais qui ne tiendront pas dès les premières lacrymo donne un faux sentiment de force et nous trompe sur nos propres capacités. Il est normal d’avoir peur de la police, mais si on ne se sent pas à l’aise de rester, il vaut mieux s’abstenir. Il sera toujours temps de participer lorsque vous vous sentirez en confiance, notamment en venant avec un groupe de camarades qui pourront vous rassurer et protéger vos arrières. Pour aider à ce que de nouvelles personnes comprennent un peu mieux les tenants et aboutissants, nous allons maintenant fournir quelques conseils pratiques issus de notre expérience.

  • Ne jamais être seul·e dans le Bloc. Une manifestation combative comporte des risques. Venir avec un groupe de camarades et former des binômes/trinômes est une bonne façon de réduire ces risques. Il est important de ne jamais vous séparer de ces camarades et de rester en tout temps à une distance de bras, maximum. S’il faut courir, prenez la main, l’épaule, ou le sac de votre binôme et alignez-vous sur le rythme de la personne la plus lente. Si possible, entrainez-vous à courir en groupe. Il peut être utile de décider d’un mot à crier – évitez de crier les prénoms – pour tout votre groupe si un mouvement de foule venait à vous séparer pour vous aider à vous retrouver. Un signe de la main peut aussi être utile pour repérer vos ami·e·s.
  • N’amenez rien que vous n’êtes pas prêt·e·s à abandonner sur place. Ceci comprend les choses qui ne devraient pas tomber aux mains de la police. Il est possible de n’amener qu’une pièce d’identité et une carte bancaire, ou idéalement de l’argent comptant.
  • Ne consommez pas de drogues y compris l’alcool avant de venir et n’apportez pas de drogues illégales en manifestation. Une manifestation n’est pas une fête ni une promenade, encore moins si vous vous attendez à de la répression. Vous devez rester en contrôle de vos moyens ; l’adrénaline et la peur sont déjà des éléments suffisamment déstabilisants et potentiellement dangereux pour ne pas rajouter une inconnue supplémentaire à l’équation. Si vous devez absolument apporter des médicaments, ayez avec vous la prescription.
  • Ne courez pas inutilement et ne criez pas pour rien. Sachez contrôler votre stress et ne le communiquez pas inutilement au groupe. Restez proches de vos camarades pour vous aider à gérer la peur et l’adrénaline. Maintenir un contact physique avec elleux ou avec les personnes les plus apeurées peut être bénéfique (main sur l’épaule, clin d’œil, hug, etc). (voir à ce sujet l’article « Mais pourquoi tu cours ? » Revue Première ligne, no 1)

Comment s’habiller

Certains de nos conseils sur l’habillement sont parfois contraires à ceux donnés par d’autres camarades visant un niveau de sécurité très élevé, destiné à des actions de grande envergure. Nous présentons ici des conseils pour une personne qui souhaite se rendre en manifestation dans le Black Bloc sans avoir planifié une action particulière, mais qui entend se défendre et qui jettera peut-être quelques projectiles si l’occasion se présente. La planification d’actions de plus grande envergure devrait nécessiter un sérieux qui dépasse les recommandations de cet article.

Selon nous, l’objectif n’est pas que la police ne puisse pas savoir que vous étiez à la manifestation. Dans la plupart des cas, une enquête approfondie pourrait vraisemblablement le démontrer. L’enjeu est que la police, et surtout la justice, ne puisse pas vous rendre responsable de telle ou telle action illégale. Pour cela, il est nécessaire d’avoir la plus grande uniformité possible au sein des manifestant·e·s. Le noir est loin d’être un élément suffisant pour assurer votre sécurité. Les habits ont beau être noirs, ils sont souvent de tailles, de formes et de conceptions très variables. Le noir ne sert ainsi pas à grand-chose si vous portez des patchs, des marques, ou autres signes distinctifs qui vous singularisent. Nous recommandons l’usage d’un vêtement de pluie large, le port d’un jean bleu banal ou d’un surpantalon de pluie. Il est aussi nécessaire de vous munir d’un sac à dos, de chaussures non distinctives, de gants et d’un t-shirt noir pour vous masquer (voir l’encadré).

Les vêtements de pluie ont l’avantage d’être prévus pour couvrir d’autres vêtements aisément et d’être légers. L’objectif est aussi de pouvoir dissimuler votre sac à dos. Prévoyez une taille suffisamment large pour le sac et les différentes couches que vous porterez, notamment en hiver. Prenez néanmoins garde à d’éventuelles flammes, ce vêtement synthétique n’est pas ignifugé.

Le surpantalon de pluie n’est pas toujours une nécessité. Un jean bleu classique, sans trou, sans signes distinctifs particuliers et pas trop ajusté est suffisant dans la plupart des situations. Pensez aussi qu’un pantalon de pluie est plus difficile à retirer, notamment en fonction de la taille de vos chaussures. Si vous voulez vous procurer un pantalon de pluie, ceux dotés de fermetures éclair au niveau des jambes facilitent la tâche de les retirer sans avoir à enlever ses chaussures.

Le sac à dos doit être suffisamment petit pour être dissimulé sous votre imperméable et suffisamment grand pour y ranger vos habits de Bloc rapidement, ainsi que pour une bouteille d’eau et des barres tendres, si besoin.

Les gants doivent être choisis en fonction des actions que vous souhaitez mener. Ces gants doivent minimalement résister aux coupures et perforations, notamment en cas de chute. Le sol est souvent jonché de verre. L’autre objectif de vos gants est de ne pas laisser d’empreintes sur d’éventuels projectiles et de limiter la quantité d’ADN que vous pourriez y déposer. Les gants de cuir remplissent généralement assez bien ces diverses fonctions. L’avantage du cuir est aussi qu’il offre de la résistance à la chaleur et ne risque pas de fondre sur votre main, ceci limitera les risques de brûlures si vous relancez une lacrymo à l’envoyeur par exemple. Des gants de travail en polyuréthane peuvent aussi minimalement faire l’affaire, mais ne vous protègeront pas des brûlures. Souvenez-vous que ces gants doivent être aussi discrets et peu distinctifs que possible quoique vous choisissiez.

Le t-shirt noir servant à vous masquer ne doit pas être en matière synthétique (voir image). Préférez du coton pour éviter les risques de brûlures. Vous pourriez aussi ajouter des lunettes de piscine si vous êtes peu habitué·e·s ou que les lacrymos vous incommodent particulièrement. Couplé avec un masque N95, vous devriez être largement protégé·e·s étant donné la faible concentration actuelle du gaz à Montréal.

En ce qui concerne les chaussures, prenez quelque chose d’adapté à la météo et qui ne sera pas facilement reconnaissable. Que vous préfériez des chaussures de randonnées ou de sport, il faut que vous puissiez courir et qu’elles soient suffisamment résistantes. Nous déconseillons les caps d’acier qui sont généralement trop lourds et ne remplissent aucun rôle crédible dans la manifestation. Vous risquez d’avoir du mal à courir et à escalader le mobilier urbain. Les policiers décrivent spécifiquement les chaussures quand ils cherchent quelqu’un, car il est justement difficile de les changer facilement. Il est possible de couvrir des signes distinctifs avec du tape, ou de glisser une chaussette large par dessus.

Le plus important au-delà de ces conseils sur le matériel est que vous vous entrainiez à le mettre, à le porter et à l’enlever avant le jour J, afin de voir ce qui fonctionne pour vous ou non.

Avant, pendant et après la manifestation

Prévoyez avec quelles personnes vous allez vous rendre à la manifestation et discutez du niveau de risque que vous êtes prêt·e·s à accepter ; il est important de se mettre d’accord préalablement. Privilégiez l’utilisation de billets de métro individuels pour vous rendre sur place, le plus important étant d’avoir son billet de retour pour ne pas avoir à en acheter en cas de dispersion chaotique. Prévoyez de l’eau et des collations, pour vous ou pour des camarades moins préparé·e·s qui en auraient besoin. Le contrecoup de l’adrénaline et de la peur peut être un peu difficile pour certaines personnes.

Il peut être utile de ne pas prendre son téléphone en manifestation, ou d’utiliser un burner, soit un téléphone d’entrée de gamme, souvent avec une carte prépayée, utilisé uniquement pour des activités militantes dans le but d’éviter d’être associé·e personnellement à celles-ci. Si vous amenez votre téléphone, le fermer pendant la manifestation complique l’accès à ses informations en cas d’arrestation. Cependant, dans la plupart des cas, comme nous l’avons dit, l’enjeu n’est pas forcément de nier votre présence à la manifestation. Avoir son téléphone peut comporter des avantages, notamment au niveau du facteur de sécurité pour contacter des ami·e·s. Ce choix relève donc de votre jugement et de ce qui semble le mieux pour vous.

Pour arriver en manifestation, nous vous conseillons de porter des habits simples, propres et passe-partout. Prenez des tenues qui vous permettent de courir et qui ne risquent pas de vous gêner si vous devez escalader des grilles (exemple pris au hasard). Les talons sont évidemment à proscrire. Privilégiez les pantalons, même en cas de chaleur, pour vous protéger d’éventuelles blessures. Dans l’ensemble, prévoyez des habits adaptés à la saison et à la météo.

Une fois encore, évitez les signes distinctifs, notamment les marques d’appartenance à une contre-culture qui vous identifieraient comme « de gauche ». Couvrez vos tatouages avec beaucoup de soins, assurez-vous que le vêtement que vous avez choisi ne les révèle pas quand vous devez courir ou faire des mouvements amples. Camouflez votre pilosité et vos cheveux, tout spécialement si votre style est distinctif. Si possible, enlevez tous vos bijoux, bagues, piercings et boucles d’oreilles. Non seulement peuvent-ils potentiellement aider à vous identifier, ces derniers peuvent vous occasionner des blessures en cas de bousculades ou d’empoignades avec la police.

Une fois dans la manifestation, et si la situation le nécessite, trouvez un endroit à l’abri des regards et des caméras pour vous changer. Il est plus facile de réaliser cette opération en groupe, et de s’être entrainé·e à le faire chez soi. Les camarades peuvent vous aider à vous dissimuler pendant que vous vous changez, les bannières peuvent aussi être utiles pour ça. Ne laissez jamais quelqu’un prendre des photos des personnes se changeant : ces curieux·ses doivent être traité·e·s avec une grande fermeté. Ces personnes mettent en danger les camarades et si elles n’arrêtent pas immédiatement, il faut faire cesser leur activité, le moment n’est pas à la discussion.

Une fois masqué·e·s, vous ne devez plus retirer vos vêtements de Bloc à moins d’une urgence le justifiant jusqu’au moment où vous décidez de partir. Prenez grand soin de ne pas vous démasquer pour boire, manger, fumer ou crier des slogans.

Prenez garde aux effets de l’adrénaline. Un de ses effets est de provoquer une « vision tunnel » ; votre vision se rétrécit et votre appréciation de la situation, des distances et de votre entourage peut être impactée. Certain·e·s camarades se sont parfois retrouvé·e·s isolé·e·s face à la police, ne se rendant pas compte que les autres s’étaient replié·e·s. Contrôlez votre respiration, forcez-vous à regarder autour et derrière vous de façon consciente pour avoir une vue d’ensemble de la situation.

Si vous ne vous sentez pas en sécurité ou que vous n’êtes pas habitué·e à ces situations, l’endroit le plus sûr de la manifestation est au cœur du groupe, généralement dans le dernier tiers du cortège. Rappelez-vous que notre force réside dans notre nombre et notre solidarité collective.

Le gaz lacrymogène est bien moins incommodant que l’idée que les gens s’en font. Ne vous laissez pas aller à écouter les gens qui paniquent dès qu’iels voient de la fumée. La concentration actuelle du gaz à Montréal est très faible. Vos yeux vont piquer, vous aurez peut-être de la difficulté à les garder ouverts, vous allez tousser lourdement et cracher, mais vous n’allez pas vous asphyxier. Les effets du gaz sont décuplés par votre peur, rappelez-vous que ça ne va pas durer et que vous n’allez pas étouffer. Sortez du nuage en vous tenant à vos camarades et en encourageant les autres à rester calmes et groupés.

Sachez quand partir. Si de façon générale nous trouvons que les gens partent souvent de façon prématurée, il vient cependant un temps où il s’agit de quitter les lieux. Il est difficile de donner des indications claires sur la façon de déterminer quand partir, ceci viendra avec l’expérience, mais nous allons donner quelques indices. Il peut être temps de partir si le nombre de manifestant·e·s descend trop ou trop rapidement, si vous êtes à bout physiquement, si vous avez été blessé·e ou si vous avez des raisons de croire que la police cherche à vous arrêter et qu’il s’agit alors d’un bon moment pour quitter plutôt que d’attendre d’être isolé·e. Un problème qui risque de survenir est la différence d’appréciation au sein de votre groupe ou de votre binôme. Cette période de flottement est un moment risqué qui peut pousser à prendre des décisions inconsidérées. Il peut être utile de déterminer qui prendra la décision préalablement à la manifestation. Dans ce cas, choisissez la personne avec le plus de sang-froid, et qui sera à même de prendre la meilleure décision pour tout le monde, plutôt que la tête brulée de votre groupe.

Se démasquer doit s’opérer avec le même soin que vous avez pris pour vous masquer. L’idéal est encore une fois de faire cela à l’abri des regards et des caméras, cependant la situation ne permet pas toujours de prendre son temps. Si la dispersion de la manifestation occasionne du chaos et que vous devez vous disperser en petits groupes, tentez de vous éloigner du cortège et de vous changer dès que la police n’a plus une vue directe sur vous, avant de continuer votre chemin comme si de rien n’était. Ne quittez pas votre binôme et aidez-vous l’un·e l’autre. Ceci implique souvent que vous devrez retirer vos habits tout en marchant d’un pas vif, ici encore il est utile de s’être entrainé·e au préalable. Si vous jugez que la situation est particulièrement dégradée, ou que vous craignez que la police opère des arrestations ciblées après la manifestation, débarrassez-vous de vos vêtements de manifestation. L’idéal serait de les jeter dans un endroit où ils ne pourront pas être facilement récupérables par la police, cependant ceci n’est pas toujours possible. S’il n’existe pas d’autres possibilités, glissez vos affaires sous une voiture, dans une poubelle, ou jetez-les sur un toit, par exemple. Ayez l’air le plus calme possible en quittant.

Ne flânez pas dans les environs après la dispersion. La police peut patrouiller longtemps après pour éviter qu’autre chose se passe ou pour faire des arrestations. Si possible, privilégiez un lieu privé ou un endroit éloigné. Si vous avez des raisons de croire que la police pourrait vous chercher, n’allez pas au Yer’mad. Il peut être intéressant de fixer un point de rencontre sécuritaire avec les membres de votre groupe où vous vous retrouverez après la manifestation.

Encore une fois, ces conseils ne s’appliquent pas forcément à toutes les situations, certaines actions offensives de plus grande intensité peuvent nécessiter des mesures de précaution supplémentaires. Nous nous adressons ici à des camarades ayant moins l’habitude afin de faciliter leur participation et renforcer la sécurité collective. Aux nouveaux et nouvelles camarades, souvenez-vous que rien ne remplace la pratique et l’expérience directe. Allez en manifestation avec des personnes de confiance, si possible avec des camarades plus expérimenté·e·s, et rejoignez des organisations révolutionnaires qui font du militantisme de rue. Ne négligez pas l’entrainement physique préalable pour être en forme le jour J : le stress et l’adrénaline peuvent jouer des tours aux plus entrainé·e·s et réduire drastiquement vos capacités. Nos manifestations sont loin d’être aussi dangereuses qu’ailleurs dans le monde. La situation actuelle est donc une bonne période pour s’entrainer à devenir meilleur·e pour le prochain mouvement social et pour nous renforcer, profitons-en !